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Témoignages

LA VIE ET L’ACTION DE LYNCLAIR — La Saga
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LA VIE ET L’ACTION DE LYNCLAIR

👤 Edgar GUEDJ - Lynclair Le Visionnaire 📍 Autre 🏷️ Autres 🎗️ Aleh DEJJ 📅 2007

PREMIERS ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION

SUR LA VIE ET L’ACTION DE LYNCLAIR

 À l'occasion de la réunion tenue à Jérusalem le 3 novembre 2007 à la synagogue Emouna Shléma à la mémoire de Lynclair

La disparition

Lynclair n'est plus. Dès que nous avons appris son décès, les réunions, conversations téléphoniques, et, progrès oblige, les messages internet n'ont cessé de circuler.

Vite il a fallu dire brièvement ce que cet homme exceptionnel avait fait. On a cherché des textes, des annonces, des faits, des paroles.

On s'est alors rendu compte à ce moment à quel point nous n'avons aucun texte à notre disposition. Une recherche sur Internet n'obtient que quelques remarques éparses et anecdotiques. Et pourtant quelle vie pleine d'action en Afrique du Nord et en France ! Et pourtant qui peut dire combien de personnes ont été marquées par Lynclair ? Des centaines, cela va sans dire, des milliers oui, des dizaines de milliers, voire plus ?

Ne serait-ce que les animateurs, le fer de lance du mouvement, et ceux qui ont le mieux pu apprécier l'apport original de Lynclair, ils ont été des centaines et des centaines. Pour ne dire que le strict minimum.

Mes rencontres avec Lynclair

J'avais déjà assez jeune entendu parler de lui chez mes parents, car Lynclair était marié avec une cousine de mon père. Ensuite, comme tout le monde j'ai pu entendre Lynclair dans des grandes réunions où il était appelé à prendre la parole. Certains grands stages, ou rencontres nationales, en France, en Suisse ou en Israël.

Mais je voudrais plutôt parler des quelques rencontres que j'ai eues avec Lynclair en tête à tête.

La première rencontre significative, peut-être la plus importante s'est déroulée dans le bureau de Lynclair à Paris au FSJU. Je devais avoir 20 ans. J'étais actif au DEJJ de Lyon et je m'occupais de formation d'animateurs à part mon activité à la JAC et au Centre communautaire. J'avais un certain nombre de questions et Esther Abitbol m'avait encouragé à l'appeler. Finalement je suis monté à Paris pour un rendez-vous avec Lynclair. Au bout d'une heure et quelque, il a demandé à son assistante d'annuler ses rendez-vous. Finalement, la rencontre a duré près de 7 heures. J'en garde un souvenir vibrant. J'ai pu alors mesurer sa capacité d'écoute et d'intégration, d'analyse et d'explication. Quand on a vingt ans, ce n'est pas trivial de rencontrer le chef charismatique du mouvement si longuement. Ce n'est pas trivial non plus qu'un chef si considéré consacre tellement de temps à un animateur de province.

En 1986-8, j'étais en mission de recherche en France. Cette recherche m'a donné l'occasion de le rencontrer à nouveau très souvent en tête à tête. Ses conseils ont été utiles et pertinents, me donnant ainsi certains moyens pour réussir dans ma mission. Puis les rencontres se sont faites moins nombreuses. Une autre étude conduite en 2002, a permis de recréer un contact fructueux. Il y a deux ans et demi je l'ai longuement interviewé chez lui sur la situation des Juifs et de la communauté aujourd'hui. L'esprit était aussi vif et la parole profonde. Il avait soif de communiquer son analyse. Je l'ai évidemment appelé pour le féliciter de son prix Tenoudji, prix qu'il méritait au plus haut point. Travaillant à la préparation d'un livre sur la vie juive en France, je désirais lui consacrer quelques pages. Je l'ai donc appelé pour lui demander de me signaler un texte qu'il aurait écrit ou prononcé pour servir de base à ce chapitre. Il m'a envoyé un fax touchant. Malheureusement je n'ai pas reçu le matériel demandé, et le livre est paru sans ce chapitre.

La parole

Lynclair était un orfèvre de la parole orale, de la parole dite. Comment parler d'un orfèvre de la parole sans risquer de tomber dans le cliché protecteur ?

Et pourtant, il y avait cette incroyable difficulté de Lynclair à écrire, ne serait-ce qu'une lettre simple, de communication opérationnelle, administrative. Donnant le sentiment d'un personnage torturé par l'écriture, par la mise sur papier d'une idée, d'une direction. Comme si cette fixation était une mise en demeure du mouvement, d'une fluidité. Et donc relevant d'une trahison.

Par contre, son parler était intensément courant et facile. Les yeux toujours portés sur son public, petit ou grand, jeune ou âgé. Partout Lynclair incitait la révérence et la considération. Son parler était toujours sérieux. Je ne me rappelle que très rarement avoir vu Lynclair rire. À peine sourire.

A y réfléchir, la fonction conative était toujours au cœur du parler de Lynclair. J'utilise ici un concept mis au point par le linguiste Roman Jakobson.

Certes, Lynclair voulait communiquer quelque chose, mais il voulait toujours le faire en s'adressant à quelqu'un de particulier, exigeant ainsi une actualisation spécifique selon l'auditeur.

Cette intensité et cette facilité du parler ainsi que son orientation conative sont à l'origine, en tout cas en partie, de sa capacité charismatique.

Lynclair, si j'en crois mes rencontres avec lui ainsi que ce que j'ai pu entendre de ceux qui le connaissaient mieux et depuis longtemps, était perfectionniste. Méticuleux, il faisait attention à chaque détail.

Or ce concept de perfectionniste fait problème. En effet, comment être perfectionniste et donc kapdan et en même temps réussir en éducation ? Cela est impossible selon les Pirkei Avot.

לא הַבִּישָׁן לְמַד, וְלֹא הַקַפְּדָן מְלַמד

"Le timide ne peut apprendre et le maître 'perfectionniste' ne peut enseigner".

Or nous savons tous que Lynclair a été un très grand éducateur. Comment donc rendre compte de ce paradoxe ?

Je crois que la solution de Lynclair à ce paradoxe a consisté à ne pas écrire ! Son perfectionnisme a trouvé là un terrain d'application presque absolu. En n'écrivant pas, et même parfois en empêchant d'autres d'écrire sur le DEJJ, son perfectionnisme a pu s'exprimer, tout en permettant aux choses de se faire.

La vie juive en France en 1962

Il est difficile de comprendre le véritable apport de Lynclair au judaïsme français sans se rapporter à la condition de la vie juive en France à la même époque.

On se rapportera entre autres à trois classiques, tous publiés en 1962 :

  • Albert Memmi : Portrait d'un Juif, l'Impasse, Editions Gallimard, Paris
  • Rabi : Anatomie du judaïsme français, Les éditions de Minuit, Paris
  • André Neher : L'existence juive, solitude et affrontements, Editions du Seuil, Paris

Ces trois classiques offrent une image intéressante et fidèle de cette époque.

Pierre Nora souligne d'ailleurs que l'éveil de la conscience communautaire des Juifs de France a été déclenché par « le retour massif à partir de 1962 de ceux d'Algérie. L'arrivée des Juifs d'Afrique du Nord, beaucoup plus proches des pratiques et de la tradition, a même contribué à donner son véritable sens de « communauté » à une collectivité sans identité communautaire, rompant ainsi avec les habitudes du judaïsme consistorial... »

C'est dans ce judaïsme guindé et plutôt embarrassé que l'action de Lynclair débute. Elle a exigé nombre d'efforts d'adaptation et de créativité pour aboutir.

Le rôle du DEJJ dans cette aventure sociale est encore à écrire.

Le dualisme

Il est difficile de dire de manière tranchée le rapport de Lynclair vis-à-vis de sujets juifs importants dans son action éducative et communautaire. Par exemple, le DEJJ doit-il être plutôt religieux ou plutôt non religieux ? Le mouvement doit-il appeler à un engagement communautaire ou plutôt à un engagement sioniste ?

Faut-il y voir dans cette non-décision une hésitation ? Une faiblesse ?

Réouven Kahane, théoricien de l'éducation informelle, a établi une liste de 8 composantes structurelles du code de l'informalité. L'un de ces 8 éléments porte sur le dualisme : à savoir la capacité à enseigner deux orientations comportementales contradictoires. Par exemple, le sentiment de collectif d'une part et le développement personnel d'autre part.

Ce dualisme non seulement n'était pas une faiblesse, mais l'une des raisons de l'impact profond du DEJJ sur ceux qui l'ont fréquenté.

La vision et l'action

Lynclair était un homme réfléchi et avisé. Parfois sa retenue pouvait passer pour de la méfiance. En réalité Lynclair avait un rôle double et parfois contradictoire. D'un côté, Lynclair était certainement un visionnaire. Il voyait loin, juste et avant.

Mais Lynclair ne se trouvait pas dans une caverne. Il était engagé dans la réalité communautaire et devait faire une analyse de l'ordre du Realpolitik.

Cette articulation Vision / Sens du réel est l'une des clés de la compréhension de cette personne riche et complexe que fut Lynclair. C'est à ce titre que Lynclair a pu faire partie d'un club très restreint d'éducateurs Juifs du XXème siècle qui ont eu le privilège de créer une réalité sociale durable.

Conclusion partielle

Arrêtons-nous un instant à cette expression : "Ce Maître à penser". Elle n'est pas simple. Elle veut dire tout d'abord : Il faut penser ce Maître. C'est-à-dire analyser ce qu'il a dit, pensé, fait ou pas. Réfléchir son œuvre pour mieux la continuer !

Cette expression veut aussi dire : il nous a appris à penser. Penser c'est être capable de dire "Je". C'est poser sur le monde un regard critique et autonome. Mais comment éduquer à une telle fin dans le cadre d'un mouvement de jeunesse où il est essentiel de dire "Nous" ?

Grâce à Lynclair, le DEJJ que j'ai connu dans les années 60 et 70 en France a été ce lieu où nous avons eu l'opportunité d'apprendre à dire "Nous" tout en disant "Je", de dire "Je" tout en disant "Nous".

J'ai suggéré au Centre Dahan de l'Université de Bar Ilan de consacrer une journée d'étude sur la vie et l'œuvre de Lynclair.

Mon père, עליו השלום (paix à son âme) avait coutume de me dire que ce qu'une personne emmène avec elle dans l'autre monde, ce sont les cadeaux qu'il a faits et qu'il a oublié qu'il a faits. Ce qui indique un autre sens à l'expression de Matan beseter (מתן בסתר) : don en cachette.

Tous ici présents, nous avons reçu des cadeaux de Lynclair à un moment donné de notre vie. Certains ont eu la chance de recevoir des cadeaux sublimes qui ont changé leur vie ou leur perception de la vie. Mais tous avons reçu quelque chose de bon.

Que sa mémoire soit source de bénédiction !

Erik COHEN

DEJJ LYON

 

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